jeudi 10 juillet 2014

La CGT Crédit Agricole écrit aux administrateurs des Caisses Régionales


Lettre ouverte aux administrateurs

Madame, Monsieur,                                               
Nous revenons vers vous une nouvelle fois, inquiets pour l’avenir des salariés des Caisses régionales tant dans les réseaux que dans les sièges.
Nous vous avons interpellés à maintes reprises depuis le tournant que représente l’introduction en Bourse de Crédit Agricole SA (CASA), à laquelle nous étions fortement opposés alors que vous consentiez aussi, en qualité de représentant des sociétaires du Crédit Agricole Coopératif Mutuel, au développement externe (LCL, FINAREF, etc.) et à l’international, avec entre autres EMPORIKI, CARIPARMA, ainsi qu’au développement d’activités de marchés spéculatives pour lesquelles le Crédit Agricole n’avait, et c’est bien normal, ni l’expérience, ni les compétences, ni  la maîtrise nécessaire… Cette stratégie de développement capitalistique n’avait pas davantage recueilli notre assentiment et le passé récent nous a donné raison avec autour de 27 milliards engloutis – soit l’équivalent de 11 années de masse salariale pour 66 000 salariés. Si les Caisses régionales du CA ont pu supporter ces pertes c’est grâce à la richesse produite en amont par le travail des salariés et la confiance des usagers et sociétaires.

Souvent CASA est dénoncé comme responsable de ces dérives successives. Pourtant la gouvernance de notre système hybride repose entièrement sur les Conseils d’Administration des Caisses régionales. Il n’est plus l’heure de chercher des coupables aux pertes déjà enregistrées mais il vous revient la responsabilité de ne plus vous laisser imposer les solutions toutes faites que vous présentent depuis des années les technocrates au service des marchés. 
Jusqu’ici vous n’avez pas su nous entendre. Aujourd’hui, à l’heure où la banque digitale avance à grands pas avec la mise en place du Système d’Information Unique, les sièges des Caisses régionales sont exposés à la multiplication des coopérations sous couvert d’une mutualisation de moyens. Les réseaux sont menacés par une transformation du maillage des agences qui privera certains de nos cantons et de nos communes d’une proximité à l’origine de notre histoire. Ainsi, la Caisse pilote d’Ile de France s’est déjà engagée dans la suppression d’une cinquantaine d’agences, d’autres Caisses régionales (CAP, CMDS, Normandie …) ont fait et continuent à faire le choix de délocaliser les activités de leurs sièges en sacrifiant les sites d’origine, des emplois, les conditions de vie des salariés, sans aucun égard pour l’économie locale et les usagers des territoires sacrifiés. Pourtant la réhabilitation des sièges in situ est citée en exemple par l’observatoire de la FNCA qui affiche la volonté de préserver les conditions de travail des salariés.
Les arguments qui vous sont exposés pour justifier ces choix sont :
-          la modification des habitudes de nos clients,
-          une concurrence exacerbée,
-          des contraintes réglementaires,
-          la nécessité de s’adapter aux évolutions de la société pour la pérennité de l’entreprise.
Ces mêmes arguments ont déjà été utilisés pour justifier les choix précédents avec toutes les conséquences que nous pouvons aujourd’hui constater :
-          pertes financières,
-          pertes de parts de marchés,
-          perte de confiance des clients,
-          mal être des salariés.


En revanche, vous pouvez vous féliciter d’avoir décroché le meilleur coefficient qui porte si bien son nom : le coefficient d’exploitation … dans une entreprise aux statuts coopératifs mutualistes qui se targue publiquement de mettre les Hommes au centre de ses préoccupations, c’est quand même bien un comble !
 Selon nous, il est temps de revenir, et pas seulement dans le discours, vers les fondements originaux de nos statuts qui imposent démocratie, solidarité et lucrativité limitée. Il est temps de revenir à l’exercice de nos métiers de banquier au service du financement de l’économie réelle sur nos territoires actuels. Alors que la période de crise nous imposerait de soutenir l’activité de nos territoires, de nombreuses entreprises ne trouvent pas auprès du Crédit Agricole l’aide dont elles auraient besoin à l’instar des Jeannettes et de Continental Nutrition. Le Crédit Agricole préfère accompagner des entreprises qui organisent des délocalisations d’activité. Les collectivités publiques ne reçoivent pas davantage tout le soutien dont elles auraient besoin et sont elles aussi abandonnées. Ces choix contraires à sa publicité ont des conséquences sociales désastreuses pour les familles, le commerce local, la vie des territoires. Nous vous alertons une nouvelle fois.
Il nous semble urgent d’entendre les revendications portées par la CGT à savoir :
  • reconquérir notre autonomie vis-à-vis des marchés financiers en privilégiant l’épargne Bilan et en stoppant la titrisation (ou cessions des crédits sortis du bilan),
  • maintenir, sur nos territoires actuels, la proximité du service à la clientèle par le développement des emplois dans toutes nos agences,
  • préserver la spécificité régionale en conservant les sièges implantés sur les sites actuels avec les femmes et les hommes au service de leur réseau local.
La CGT, comme vous, n’est pas opposée à l’évolution des nouvelles technologies.
Contrairement aux capitalistes, nous, entreprise mutualiste coopérative, attentive au bien être des Hommes, devons utiliser ces évolutions pour servir les intérêts des usagers, des sociétaires et des salariés.  
La pérennité du Coopératif Mutuel nécessitera à terme l’abandon du système hybride actuel pour aller vers une renationalisation de l’organe central, inscrite dans un pôle public bancaire, sous contrôle des pouvoirs publics mais aussi des salariés et des usagers de la Banque.    
La CGT en appelle à votre sens des responsabilités pour imposer d’ores et déjà  l’arrêt immédiat des projets de restructuration, coopération, réorganisation, redéploiement, fermeture d’agences et de services en cours et à venir. Nous vous demandons de vous engager au développement des emplois et des salaires pour au moins les dix prochaines années. Cet engagement social n’est pas surréaliste au regard des 3.5 milliards d'euros de résultats annuels dégagés ces dernières années par les seules Caisses régionales, comparés à la stagnation des 2,5 milliards d'euros de masse salariale. Votre choix de maîtriser la masse salariale a eu pour conséquence la détérioration continuelle des conditions de travail et de vie des salariés. La seule inversion de ces deux chiffres permettrait de créer 15 000 emplois supplémentaires qui soulageraient grandement des conditions de travail devenues insupportables et d’augmenter les salaires de 600 € brut sur 13 mois pour l’ensemble des salariés des Caisses régionales et filiales: il resterait encore 2,5 milliards d'euros à distribuer en intérêts de parts sociales et à engranger pour améliorer nos fonds propres et développer notre activité.
Les sociétaires, les usagers, les salariés et la CGT du Crédit Agricole Mutuel attendent de vous que vous agissiez dans le cadre des mandats qui vous sont confiés de manière à satisfaire les intérêts collectifs et réciproques de chacun.